Kid Cudi's Man On The Moon II / A little step for him, a huge one for music

Publié le par Jam

Il y a des artistes qui semblent venir d'une planète différente de la notre. Des extraterrestres doués d'une sensibilité hors du commun, capables de transcender la sémantique collective pour y apposer leur vision calquée sur le rythme des bpm. Je pense à des artistes intemporels, tels que James Brown, Michael Jackson ou David Bowie, dont la dimension universelle a révolutionné la musique et inspiré des générations entières de troubadours en tout genre. Si rares sont ceux qui peuvent se vanter de franchir les portes du panthéon musical de notre humanité, beaucoup peuvent au moins espérer s'en approcher par leur contribution à l'évolution de leur genre et par le combat qu'ils mènent contre le passéisme et la fixité artistique. Scott Mescudi fait partie de ceux-là.

Loin d'être un ersatz grossièrement copié sur les diamants visionnaires que sont Shauwn Carter et Kanye West, le Kid est une véritable pierre précieuse dans l'univers bling-bling du hip hop de ces dernières années. Il y a deux ans, lorsque nos chemins se sont croisés au détour d'une de mes excursions sur Youtube, j'étais pas loin de penser le contraire. Je découvrais alors à peine le mouvement hipster hop (la contraction de hip hop et de hipster, vous l'aurez compris) représenté à l'époque par des chicagoens bourrés de talents et d'idées à l'image des Cool Kidz, de Lupe Fiasco ou des Knuxx. Héritiers d'un rap qui tentait de se défaire d'une image ghetto en fin de course, ces minots inspirés par le rap conscient de Common et ses accents soulesques, et celui plus personnel de Kanye, se sont replongés dans les préceptes originels de leur mouvement : Peace, Unit, and Having Fun. Reprenant à leur compte les beats électros de leurs ancêtres GrandMaster Flash et Whodini, ils ont opérés un revirement musical pour revenir aux fondamentaux de leur culture. Plus ouverts et éclectiques que leurs grands frères, ils n'ont pas hésité à poser leur couplets sur des beats électriques ou rock, brouillant les pistes par l'hétérogénéité de leur musique. Scott Mescudi fait, aussi, partie de ceux-là.

 

Kid Cudi

 

A l'orée 2008, le rappeur originaire de Cleveland s'installe à Brooklyn pour y parfaire sa maestria verbale et se faire un nom sur la scène underground de la Big Apple. On ne va pas revenir sur le succès phénoménal de son titre phare Day 'N' Nite, remixé par les italiens de Crookers, ni sur la claque que beaucoup d'entre nous avions reçu à l'écoute de son (très) conceptuel premier album Man On The Moon : The End Of The Day où Mescudi (accompagné de Ratatat, MGMT, Common ou encore Kanye West) faisait l'étale de son talent. Fort de sa bonne fortune, Kid Cudi enchaîne les tournées et les collaborations juteuses : Jay-Z, Kanye West ou encore Snoop Dog. On passera sur mon immense déception de l'avoir entendu au coté de la larve David Guetta. L'argent appelle l'argent et personne n'est parfait. 

Il a fallu moins de deux ans pour que le statut du rappeur passe de jeune talent à celui de célébrité confirmée. Issu de la génération 2.0, à l'aise avec tous les outils de communications à notre disposition aujourd'hui, il ne lui a pas été difficile de pénétrer l'ensemble des réseaux numériques de manière fulgurante. Quelques mois après la sortie de son premier opus que déjà est annoncé le suivant. Initialement intitulé Cudder : The Revolution Of Evolution, Man Of The Moon II : The Legend Of Mr.Rager est l'aboutissement d'une introspection profonde de sa personnalité et incarne sa nouvelle maturité artistique. C'est pour moi, l'un des meilleurs albums du genre de l'année 2010. C'est aussi, et surtout, la galette qui m'a ouvert les yeux sur le don de cet artiste.

 

L'album est binaire. Il oscille entre la face cachée du lunaire Cudi, glauque et mélancolique, versus la flamboyance solaire d'un jeune homme à qui tout réussi, dans ce qui semble être un combat pour son âme. Les morceaux s'enchaînent avec fluidité, entraînant l'auditeur pourtant confirmé que je suis (hop, j'ai décidé de m'auto-plébisciter aujourd'hui) dans un univers particulier avec une facilité déconcertante. Tantôt amers, tantôt enthousiastes, ils transforment l'écoute en une véritable expérience à la limite du trip sous acide. C'en est même flippant parfois. 

Il ne rappe pas tout à fait, il ne chante pas vraiment, il raconte. Ou plutôt, il conte. Et on ne se lasse pas de l'écouter attentivement, un peu comme quand on lisait les histoires de Père Castor (référence inégalable, je sais) quand on était mômes. Mescudi remet à l'ordre du jour le story-telling propre au rap du milieu des 90's et c'est pas pour me déplaire. Sa musique est à son image : métissée. Conceptuelle parfois, souvent percutante, elle instille délicatement une ambiance à deux doigts du voyage spatial. Marijuana est un exemple frappant : les notes de piano s'associent parfaitement à la guitare électrique, alors que la voix de Scott nous chante de manière lancinante son amour pour la dope. On est pas loin d'être perché à la simple écoute du morceau qui s'enfuit au travers des écouteurs comme des volutes d'une fumée -malheureusement, pour certains- prohibée. A contrario, REVOFEV et ses lourdes basses appuyées par des cuivres puissants nous entraînent dans une incontrôlable danse de la tête si proche du head-banging qu'il est conseillé de ne pas l'écouter dans le métro si vous voulez passer pour quelqu'un de sain d'esprit (expérience vécue par votre obligé y'a quelques jours). Le meilleur morceau reste, pour moi, Mojo So Dope. Après plus d'une centaine d'écoutes ces dernières semaines d'après les stats de mon Itunes, cette perle musicale, étouffante bien que cristalline, transforme à chaque fois mon cerveau en un bouillonnant maelström d'émotions. Le beat est minimaliste et presque angoissant, et le flow de Cudi totalement emblématique de ce que je décrivais un peu plus haut : ni chanté, ni rappé mais ballottant avec grâce entre les deux. Un exercice de style admirable. Si la sensation que l'on éprouve à l'écoute de la totalité de l'album est difficilement descriptible, elle éveille en tout cas en nous un fort sentiment d'ivresse. Et c'est tellement rare en ce moment que ça a le mérite d'être souligné.

Kid Cudi représente une nouvelle génération de rappeurs, talentueux et rêveurs, flashy et hipsters, au même titre que le très prometteur Theophilius London (dont je parlerais surement cette semaine) ou Chiddy Bang.

 

Man-On-The-Moon-II.jpg

 

Vous l'avez compris, Man On The Moon II est une réussite. Il est, à l'instar du dernier K.West, de la trempe des compositions insufflant un air bien fresh à un Hip Hop asphyxié par le gangsta rap et le dirty south. Il marque aussi l'entrée de Kid Cudi dans la cour des grands. Par contre, il prouve que mes chroniques musicales sont, de loin, les moins objectives du monde. 

 

Voilà la petite perle dont je parlais un peu plus haut. Les images sont tirées du DVD Journey Of Mr.Rager sorti en même temps que l'album :

 


 
 

 

 

 

 

Publié dans Musique

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E
<br /> le Jimi Hendrix des temps modernes...<br /> ce mec est juste hallucinant!<br /> <br /> si c'est pour avoir des reviews subjectives comme celles-ci tout le temps, alors tu as un fan de plus! ;)<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> J'en attendais pas moins de toi, mon gars !<br /> <br /> <br /> Attends la chronique sur Theophilius London dans ce cas là, elle sera là dans la semaine si le planning serré me le permet ! <br /> <br /> <br /> <br />