Jogging & Attitude / Chronique d'un joggeur à Paname

Publié le par Jam

Aujourd'hui, j'ai décidé de changer. Bon, j'ai décidé de changer un paquet de fois ces derniers temps mais faut trouver le temps, la motivation, l'argent parfois. Bref, c'est une galère de changer en fait, on s'en rend pas souvent compte. Alors, faut y aller petit à petit. Après avoir fait le point, et comme changer de "mentalité" est un vrai parcours du combattant, je me suis dis que bosser sur mon physique serait déjà une avancée considérable dans ma mutation vers une personne bien comme y faut. Alors, je suis allé courir. 

 

C'est surtout une réponse aux appels aux secours de mon corps. Apparemment, ce que je lui fais subir ne lui va pas. J'pensais vraiment que le régime clope-café-nuits-blanches accompagné d'une bonne dose de spiritueux matin/midi/soir allait me permettre de tenir encore sur mes jambes à quatre-vingt ballets histoire que je puisse quand même la voir ma retraite. Vraisemblablement, c'est pas le cas. Je m'en suis rendu compte après m'être fait doubler par la petite vieille de l'étage du dessus dans les escaliers de mon immeuble. Le pire, c'est qu'elle m'a jeté un regard concupiscent genre "bah alors mon p'tit gars, on s'traîne" ? Sont perfides les vieilles en fait. 

 

Faire son jogging à Paname, c'est un peu comme plonger le nez dans une boite de crayons de couleurs. On y voit tout et n'importe quoi. Ou plutôt tous et n'importe qui. Mais le plus frappant c'est que le jogging dans la capitale s'apparente plus à un défilé de mode qu'à un moyen de décompresser. Je sais pas si c'est l'époque qui veut ça mais les joggeurs parisiens me rappellent un peu les pigeons qu'on voit zoner Place Saint-Marc, à Venise. Beaucoup d'attitude, pas beaucoup de jogging. Je ne jette la pierre à personne hein, je suis pareil. Avant de sortir de chez moi, j'ai passé 1/4 d'heure à me regarder sous tous les angles, même les plus improbables. Personnellement, j'ai opté pour un style casual-new-yorker-tout-droit-sorti-d'une-série-américaine : sweat à capuche Harvard (bleu nuit), bas de jogging Jordan (gris), running Nike au pied, casque sur les oreilles. Histoire aussi d'avoir l'air moins con dans le métro. Bah ouais, le collant moulant ne va pas à tout le monde. En tout cas y'a toujours mieux pour se sentir à l'aise sans avoir l'impression que la totalité de la rame vous matte genre "y'a pas à dire, y z'ont l'air con les mecs en collants moulants quand même". Bref.

 

http://blog.djailla.com/wp-content/uploads/2009/09/250px-Station_Monceau_Ligne_2_-_Plaque_02-03-06.jpg

 

 

Une fois arrivé au Parc Monceau, je me lance. Se lancer reste une des étapes les plus difficiles de cet exercice qu'est le jogging. Parce qu'entre ma sortie à Monceau et mon entrée dans le parc, j'ai eu plusieurs envies : 

 

1) Rentrer chez moi tant qu'il en est encore temps, me faire un poulet mayo et le dévorer devant Taddeï (cf article précédent)

2) Aller au Central m'acheter un paquet de Lucky et le fumer en me mattant des vidéos de 5000 mètres steeple sur Youtube.

3) Aller au Central m'acheter un paquet de Lucky, appeler des potes et boire des bières en parlant sport (de loin le moins classe mais le plus jouissif pour beaucoup de mecs).

 

 

http://achatcigarettes.com/images/items/achat-lucky-strike-lights-cigarettes-140.gif

 

Que nenni. La volonté de changer étant plus forte que tout (hum) je me suis donc lancé. Je vous passe les suées au bout de 500 mètres (courir avec un pull n'est peut être pas la meilleure idée que j'ai eu dans ma vie), les râles d'agonie s'échappant de ma gorge de fumeur, et l'auto-flagellation mentale du genre "pourquoi t'es pas resté à la maison, crétin "? Non, le plus important lorsque l'on va courir ce sont les autres. Jogger Parc Monceau, c'est un peu comme se balader pendant la Fashion Week. Petit florilège des types de joggeur qu'on rencontre le plus : 

 

1) Le Joggeur dit "joggeur addict" : c'est le mec/meuf qui joggue par pur plaisir. C'est aussi celui/celle qu'on déteste le plus. Tout à l'air facile pour le joggeur addict. On a l'impression que pour lui, c'est une promenade de santé. Ses foulées sont impeccables. Il n'a jamais le nez rouge, ni les yeux qui pleurent à cause du vent. Non, ce joggeur là n'est pas humain. Il joggue le matin avant d'aller au boulot, le midi au lieu de fumer des clopes après avoir avalé l'équivalent de son poids en steak/frite et le soir avant d'aller se coucher en se disant qu'il aurait bien tapé quelques kilomètres de plus. C'est le mec sain. Et moi, j'aime pas les mecs sains. C'est le seul qui compte plus sur ses résultats sportifs que sur son look pour impressionner les autres. D'ailleurs, il porte souvent des collants moulants. 

 

2) Le joggeur dit "joggeur winner" : c'est le mec, généralement trentenaire, qui à l'air de sortir tout droit de Quantico. Pour lui, jogger est une manière de plus d'écraser les autres. C'est le roi des onomatopées gutturales propres aux coureurs. On se demande même s'il est en train de courir ou s'il est en plein coït (dans sa tête c'est peut-être la même chose, allez savoir). Le joggeur winner c'est celui pousse des coudes, celui qui impose sa lourde carcasse à base de coups d'épaule sans excuses. Sa petite victoire perso, c'est de se retourner une fois qu'il vous a doublé pour bien vous rappeler qu'il est devant. Le joggeur winner est en compétition avec vous. Et il se fout que vous ne le soyez pas avec lui. Il vous a dépassé trois fois sur le parcours, et c'est tout ce qui compte. Le joggeur winner est généralement très attiré par la joggeuse nightclub (cf infra). Pour lui courir Parc Monceau, c'est une occase de plus de draguer des midinettes en manque de présence masculine pendant leurs enfances. 

 

3) La joggeuse dit "joggeuse nightclub" : c'est la Pussycat Dolls des parcours. Frange parfaite, maquillage au top, elle est reconnaissable parmi toutes les autres joggeuses.  Aller faire son jogging, c'est avant tout une victoire sur ses copines. Elle a d'ailleurs prévenu tout le monde en postant préalablement un pseudo genre "partie faire son petit jogging journalier, de retour dans trois heures" sur Facebook et Twitter. La joggeuse nightclub ne joggue pas vraiment. Elle en donne simplement l'impression. Après 3/4 d'heure à s'étirer dans des positions à faire pâlir d'envie une gymnaste roumaine, elle court un tout petit 1/4 d'heure. Ses deux dernières heures consacrées à son sport journalier, elle les passe avec le joggeur winner (cf supra) rencontré sur place, à discuter autour d'un kyr des bienfaits de la course à pied. En rentrant, elle se rue sur sa page Facebook pour poster quelque chose dans le genre "Oulala, ces trois heures m'ont fait du bien. On remet ça demain"! Elle est reloue comme tout mais on lui reconnait toutefois sa surprenante facilité à porter le collant moulant. Pour une fois, on s'en plaint pas. 

 

 

En résumé, j'ai pas l'impression que le jogging soit vraiment fait pour moi. Non pas que partager mes moments de souffrance physique avec d'autres joggeurs en mal de changement ne me plait pas hein, mais c'est juste pas fait pour moi. J'aime trop le farniente pour me faire mal comme ça. Je pense investir dans un Sport-Elec de manière à pouvoir fumer une clope après mon poulet-mayo tout en ayant bonne conscience. 

 

Merde, je suis vraiment pas prêt de changer. 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article